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HISTOIRES DE SURVIVANTS

J’ai parlé de ce qui m’est arrivé

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Lorsque le mouvement #MeToo a pris de l’ampleur, je me suis retrouvée dans une sorte de spirale. J’ai réalisé qu’au lieu de guérir de mes traumatismes passés, j’avais mis tout cela derrière une porte, collé un panneau « NE PAS ENTRER » dessus et me suis répétée “ Je vais bien, je me sens bien, regardez comme je me vais bien et comme je me sens bien !  » pendant une dizaine d’années, et malheureusement, adopter une bonne attitude jusqu’à ce que les choses aillent bien ne suffit tout simplement pas dans des situations comme celles-ci.

De 15 à 18 ans, j’ai vécu une relation abusive où j’ai d’abord été abusée émotionnellement et conditionnée à croire que personne d’autre ne pourrait jamais vraiment m’aimer ou se soucier de moi, et cela s’est rapidement transformé en abus sexuels et viols à d’innombrables reprises jusqu’à ce que j’aie finalement eu le courage de m’en aller. Je le dis à voix haute maintenant, je ne me dérobe pas, je ne fais pas d’allusion, plus maintenant. Pour la première fois, j’ai verbalisé ce qui m’est arrivé au lieu d’essayer de me convaincre que ce n’était pas aussi grave que ça l’était.

C’était grave. Et je pense que le pire, c’est que tout s’est passé derrière des portes closes et qu’il y a eu une telle intensité de love bombing et de gaslighting que j’ai eu l’impression d’être celle qui était folle, parce que certains des amis à qui je me suis confiée après la retraite Saprea ont mentionné qu’ils pensaent vraiment que tout allait bien dans ma vie.

Pour faire court, ce n’était pas le cas. J’ai gardé d’innombrables complexes à propos de moi-même, de mon corps, de mon âme, de ma sexualité et de mon identité sexuelle – et j’en passe. J’ai encore des terreurs nocturnes. J’ai encore beaucoup de colère en moi.

Parmi les nombreuses activités de la retraite, nous avons fait du Muay Thai. Au début, je m’en suis pris à l’instructeur avec des pleurs et des coups de poing que je lançais de toute mes forces, pensant que c’était enfin ma chance de faire ce que j’aurais aimé faire à l’époque. Mais c’était trop. Sur le plan émotionnel, je me suis rendue dans un endroit sombre. Je me suis sentie impuissante et petite. L’une des autres femmes de mon groupe se débrouillait si bien, et après être allée pleurer dehors, je me suis assise et je l’ai observée. Sa force et sa ténacité étaient impressionnantes et nous pouvions tous le voir. Grâce à elle, je me suis levée pour réessayer, cette fois avec l’instructeur masculin. Il avait vu ce qui s’était passé et m’a dit quelque chose qui a changé ma vie.

« C’est toi qui contrôle ta force ».

Pour moi, je n’étais qu’une simple feuille dans le vent, soumise à mes émotions, à mes souvenirs et à tous ceux qui m’entourent. Mais non, je suis un être humain autonome et j’ai le contrôle de tout cela. Nous avons recommencé – c’était incroyable. Je ne peux pas décrire le changement qui s’est produit dans mon âme.

Il y avait également une séance de photos lors de la retraite pour celles qui voulaient y participer. On m’a maquillée et coiffée, et lorsque ma maquilleuse m’a mise en face du miroir, je n’ai pu que pleurer en me regardant. Je m’étais déjà fait maquiller auparavant, mais pour la première fois de ma vie d’adulte, j’ai pu me regarder dans le miroir et j’ai vu une femme qui me regardait – pas une adolescente de 15 ans qui essaie de prétendre qu’elle va bien, qui essaie de simuler sa confiance et son bonheur.

Je suis si intensément joyeuse. Je ne peux même pas commencer à expliquer toute la guérison et les connaissances que j’ai acquises après la retraite. Plus besoin de se cacher, plus besoin de faire comme si rien ne s’était passé. Je vais bien, c’est moi qui contrôle ma force.

Ce qui m’est arrivé en Utah est magique. Il me reste encore tellement de choses à vivre, et je suis ravie de pouvoir aller de l’avant avec cette magie qui entoure mon âme.

-Sophia, survivante